Le prix de l’or est-il artificiellement contenu ? Analyse, chiffres et scénarios
Depuis plusieurs mois, une expression circule dans les analyses anglo-saxonnes : gold is tethered. Littéralement, l’or serait « attaché », retenu, contraint. Derrière cette formule, une interrogation de fond : le prix actuel de l’or reflète-t-il réellement les déséquilibres économiques mondiaux, ou existe-t-il un décalage mesurable entre les fondamentaux et le marché ?
Ce dossier a pour objectif de poser les faits, les chiffres et les scénarios, sans sensationnalisme, afin de comprendre ce que signifie réellement un prix de l’or « artificiellement contenu ».
Un contexte économique historiquement favorable à l’or
Sur le plan macroéconomique, les indicateurs favorables à l’or se sont accumulés ces dernières années.
Selon le FMI, la dette publique mondiale dépasse désormais 92 % du PIB mondial, un niveau inédit hors période de guerre. À cela s’ajoute une inflation cumulée importante depuis 2020, supérieure à +20 % dans plusieurs économies développées.
Historiquement, ce type de configuration — dette élevée, perte de pouvoir d’achat monétaire, incertitudes géopolitiques — a toujours soutenu la valeur de l’or sur le long terme.
Une hausse du prix réelle, mais jugée incomplète par certains analystes
Entre début 2023 et fin 2024, le prix de l’once d’or est passé d’environ 1 800 dollars à plus de 2 300 dollars, soit une progression proche de +28 %. Cette hausse est incontestable.
Cependant, plusieurs analystes financiers anglo-saxons estiment que cette progression reste inférieure à ce que suggèrent les modèles historiques, lorsqu’on corrèle l’or à l’inflation cumulée, à la croissance de la masse monétaire et à l’ampleur des déficits publics.
Certaines estimations théoriques évoquent ainsi un écart potentiel de 20 à 30 % entre le prix actuel et un prix d’équilibre de long terme, sans que cela ne constitue une prévision ferme.
Une demande physique d’or en nette accélération
Les données de la demande apportent un éclairage essentiel.
Selon le World Gold Council, la demande mondiale d’or d’investissement (lingots et pièces d’or) a atteint environ 1 180 tonnes en 2023, en hausse d’environ +12 % sur un an. En Europe, certains marchés ont enregistré des progressions supérieures à +20 %, portées par les craintes inflationnistes et budgétaires.
Cette dynamique traduit une volonté claire des investisseurs de se protéger, même si cette pression n’est pas immédiatement visible dans le prix spot.
Les banques centrales, acteurs clés de cette équation
Un autre chiffre mérite une attention particulière : les achats d’or des banques centrales.
Depuis 2022, celles-ci achètent plus de 1 000 tonnes d’or par an, un niveau historiquement élevé. La Chine, par exemple, a augmenté ses réserves officielles de plus de 200 tonnes en moins de deux ans.
Ce comportement institutionnel est souvent interprété comme un signal de diversification stratégique, face à l’endettement massif des États et à la fragilité perçue de certaines devises.
Le rôle déterminant des marchés dérivés
L’une des clés de compréhension du débat sur un prix « contenu » réside dans la structure même du marché de l’or.
Les volumes échangés sur les marchés dérivés représentent plusieurs dizaines de fois la production annuelle mondiale d’or physique. Cette prédominance de l’or dit « papier » peut mécaniquement lisser les effets de la demande physique à court terme.
Pour de nombreux analystes, le prix de l’or n’est donc pas bloqué, mais temporairement contraint par des arbitrages financiers et des dynamiques de marché spécifiques.
Prix contenu ne signifie pas marché truqué
Il est essentiel de le préciser clairement. Parler d’un prix de l’or artificiellement contenu ne revient pas à accuser le marché d’être truqué.
Il s’agit plutôt d’un décalage structurel entre :
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la demande physique réelle,
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les comportements institutionnels,
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et la formation du prix sur des marchés dominés par des instruments financiers.
L’histoire montre que ces décalages peuvent persister… puis se résorber rapidement lorsque les équilibres changent.
Du prix contenu au risque de « choc doré »
C’est dans ce contexte que certains experts évoquent le scénario d’un « choc doré » : non pas un krach général, mais une revalorisation rapide de l’or lorsque les contraintes actuelles se relâchent ou que la confiance dans d’autres actifs se dégrade brutalement.
Ce scénario fait l’objet d’analyses spécifiques, développées dans un article dédié : Pourquoi certains experts parlent déjà d’un « choc doré » à venir que nous vous laissons consulter.
Quels scénarios pour les années à venir ?
Trois scénarios principaux sont aujourd’hui envisagés par les analystes :
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un rattrapage progressif du prix de l’or,
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une phase prolongée de stabilité sous contrainte,
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ou une revalorisation plus rapide en cas de choc financier, monétaire ou géopolitique.
Aucun de ces scénarios n’est certain. Ils dépendent d’événements identifiables mais imprévisibles dans leur calendrier.
Le rôle de l’or pour les investisseurs particuliers
Pour les épargnants, l’enjeu n’est pas de spéculer sur un point d’entrée parfait, mais de comprendre la fonction de l’or dans un patrimoine.
Selon les experts du Comptoir National de l’Or (www.gold.fr), l’or physique conserve un rôle central de protection, diversification et transmission, indépendamment des fluctuations de court terme et des débats sur le prix.
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